State justice Institute & Courtland Consulting, Evaluation of Two Statewide Virtual Dispute Resolution Services in Michigan : Un compte rendu des faits saillants

Ce contenu n'est pas disponible dans la langue sélectionnée.

Écrit par Jie Zhu, Auxiliaire de recherche au Laboratoire de cyberjustice

State Justice Institute & Courtland Consulting, Evaluation of Two Statewide Virtual Dispute Resolution Services in Michigan (Final Report Summary, March 2022) 

Contexte

Dans la foulée de l’urgence sanitaire liée à la pandémie de la COVID-19, le Michigan comme ailleurs aux États-Unis et dans le monde a connu d’importantes restrictions d’accès à ses tribunaux et services juridiques communautaires. En raison des mesures sanitaires imposées par le gouvernement, ces derniers, à l’instar d’autres entreprises et services non essentiels, ont été contraints de cesser leurs opérations puis d’opérer à effectif réduit.

La nécessité de « faire autrement » a donné une impulsion sans précédent au virage numérique à l’offre de justice (alternative). Ainsi que dans d’autres États américains, 17 centres à but non lucratif, financés par la Cour suprême de l’État, dispensent depuis plusieurs années le programme CDRP (Community Dispute Resolution Program) à travers les 83 comtés du Michigan. Ces centres font appel aux services bénévoles de médiateurs et facilitateurs qualifiés pour aider les citoyens à résoudre leurs conflits civils de manière non judiciarisée, allant des petites créances aux troubles de voisinage, des conflits locateurs-locataires aux litiges matrimoniaux et aux conflits en milieu scolaire. Avant la pandémie, les différentes séances de négociation, de facilitation et de médiation se déroulaient en personne aux heures régulières de bureau principalement dans les locaux de différents centres CDRP et palais de justice.

Objectif de l’étude

Afin de documenter la transition vécue dans les centres CDRP du Michigan depuis la pandémie alors que leurs services ont dû être migrés vers des plateformes Web dédiées au règlement en ligne des conflits, une étude a été commandée par la Cour suprême du Michigan ainsi que la division ODR du State Court Administrative Office (SCAO – ODR). Financée par une subvention reçue du State Justice Institute (SJI), l’étude a pour objectif d’évaluer et de comparer la mise en œuvre et l’utilisation de deux services en ligne dans les centres CDRP du Michigan depuis la pandémie (avril 2020 à septembre 2021) par rapport aux séances de règlement menées en personne avant la pandémie (avril à décembre 2019). Il s’agit, d’une part, du service de règlement synchrone offert sur la plateforme Zoom (1) et, d’autre part, du service de médiation asynchrone offert sur la plateforme Web MI-Resolve (2).

Le service de règlement sur Zoom (Zoom Virtual Dispute Resolution)

L’initiative Zoom avait été lancée par certains centres CDRP dès avant la pandémie, dans l’objectif d’accommoder des citoyens qui sont réticents ou incapables, pour différentes raisons (p. ex. obligations parentales, handicaps, conflits d’horaire), de participer en personne aux séances de négociation, de facilitation ou de médiation.

Le service Zoom permet d’offrir des sessions synchrones de négociation et de médiation. Le service est accessible aux parties qui peuvent s’y connecter à partir de leur portable, tablette, téléphone intelligent ou ordinateur avec haut-parleur et caméra, pour s’échanger de vive voix ou par visioconférence. Les fonctionnalités de Zoom sont en mesure d’accommoder plusieurs des pratiques courantes dans les séances en personne, dont la possibilité pour une partie de concerter en privé avec son avocat dans une salle distincte (breakout room) ainsi que la fonction de partage qui permet aux parties de réviser ensemble les documents et les ententes à signer en temps réel. Les signatures électroniques sont privilégiées et les documents ainsi signés sont transmis à toutes les parties par voie électronique.

MI-Resolve

MI-Resolve avait été une initiative pionnière de l’État du Michigan pour faciliter l’accès à la justice en ligne. Mise en place par le SCAO – ODR, la plateforme avait d’abord été testée entre août et décembre 2019 dans le cadre d’un projet pilote par trois centres CDRP situés dans des milieux distincts (urbain, rural et mixte), avant d’être offerte par les 17 centres CDRP du Michigan depuis le 1er juillet 2020. Financée par la Cour suprême du Michigan, l’utilisation de cette plateforme est gratuite tant pour les citoyens que les tribunaux.

Le service de médiation offert sur la plateforme Web MI-Resolve permet aux parties concernées un accès 24/7/365 multi-appareils pour s’échanger de façon asynchrone avec ou sans l’intervention d’un médiateur qualifié. À la différence du service Zoom, les échanges s’y font uniquement par écrit, sans contact visuel ou audio. Outre la négociation, la plateforme permet plusieurs autres fonctionnalités comme la formulation de propositions et contre-propositions de règlement, le chargement et le téléchargement de documents ainsi que la rédaction, la révision et la signature des ententes de règlement. Depuis décembre 2021, la plateforme a été optimisée pour prendre en charge des cas complexes impliquant plus d’une partie et permettant aux avocats de se joindre aux parties pour participer à la médiation.

Méthodologie

Une méthodologie mixte a été privilégiée pour tenir compte de la multiplicité des perspectives, dont la conduite d’entrevues, deux séances de discussions virtuelles respectivement avec les directeurs des centres CDRP et les médiateurs bénévoles ainsi qu’un sondage auprès de diverses parties prenantes (p. ex.  juges, avocats, médiateurs). Aussi, a été entreprise une analyse quantitative des données de cas traités dans les centres CDRP avant la pandémie qu’après la pandémie par le service Zoom. (Il n’a pas été possible d’extraire et d’analyser les données de cas relatives à l’utilisation de la plateforme MI-Resolve qui sont hébergées dans un serveur distinct.)

Résultats

De manière générale, des facteurs similaires ont présidé à la migration Web des différents centres CDRP du Michigan, soit la formation offerte au personnel sur l’utilisation de nouvelles technologies, l’accès et la disponibilité de différentes technologies (p. ex. téléphone VoIP, licences Zoom, équipements informatiques, outils de signature électronique, accès à Internet haute vitesse), l’accès (à distance) aux données de cas hébergées dans les serveurs et postes de travail des centres, la recherche de sources de financement flexibles, le maintien des relations avec les services de référence judiciaires et communautaires, ainsi que le leadership des directeurs de centres pour orienter la transition.

Si la migration Web a rebuté d’anciens médiateurs préférant rendre leurs services en personne, de nouvelles opportunités de recrutement se sont présentées aux centres avec d’autres médiateurs qui s’y connaissent en technologie ou qui sont prêts à travailler à distance ou à partir de leur bureau à domicile. En ce qui concerne la plateforme MI-Resolve, les médiateurs doivent être dotés d’excellentes habiletés de communication écrite, et le caractère asynchrone des échanges peut s’accommoder de médiateurs qui, travaillant ailleurs à temps plein, ne pourraient s’y connecter qu’en dehors des heures de travail (soirées, fins de semaine).

Les groupes de discussions et l’enquête auprès des parties prenantes ont mis en évidence certains conflits qui se prêtent mieux à un règlement sur Zoom ou MI-Resolve plutôt que des séances menées en personne avant la pandémie. Le tableau suivant en présente les principaux constats :

 Service ZoomPlateforme MI-Resolve
Conflits / situations se prêtant mieux à un règlement en lignedes cas simples – notamment de petites créances – avec des parties non représentées;des conflits en matière familiale où une des parties n’est pas à l’aise d’être présente avec l’autre dans une même salle;les conflits impliquant des parties qui ne peuvent se joindre en personne pour différentes raisons, dont les conflits d’horaires ou des restrictions de déplacement.les petites créances; etle recouvrement des créances.
Conflits / situations ne se prêtant pas à un règlement en ligneles dossiers avec de nombreuses pièces et une imposante documentation;les dossiers en matière familiale;les séances devant durer plus de 90 minutes.les cas complexes qui dépassent les affaires générales ou civiles simples;les conflits en matière conjugale et familiale.

Ainsi, dépendamment des circonstances, les conflits de type conjugal ou familial peuvent ou non se prêter à un règlement en ligne. Une mise à distance par l’écran serait de mise uniquement en cas d’intimidation ou de déséquilibre de pouvoir entre les parties rendant mal à l’aise une médiation ou une négociation en personne confrontant les parties dans une même salle.

En ce qui concerne des problèmes plus spécifiques à l’utilisation de l’une ou l’autre des technologies, les parties prenantes ont soulevé les suivants :

Par rapport au service Zoom – des préoccupations relatives à la confidentialité et à la sécurité peuvent se présenter à l’occasion en ce que les médiateurs ne sont pas toujours en mesure de constater la présence d’autres personnes dans la même salle que l’une ou l’autre des parties. Des médiateurs relèvent par ailleurs la difficulté de maintenir un rapport de proximité avec les participants et d’observer leur langage corporel lors des sessions Zoom.

Aussi, des problèmes techniques (p. ex. connexions instables, absence de mesures d’accessibilité pour les malentendants) rebutent certaines personnes. Par ailleurs, les citoyens ne disposant pas d’équipements adéquats peuvent être désavantagés : par exemple, les personnes qui n’ont accès qu’à leur téléphone ne peuvent bénéficier de toutes les fonctionnalités de Zoom, dont celle des breakout rooms. D’autres moins à l’aise avec la technologie éprouvent également des difficultés à utiliser des fonctions plus avancées comme le partage de documents. En raison de leur accès limité à Internet, certaines parties ont dû recourir à l’aide de leur entourage privé (p. ex. familles, voisins, amis) pour accéder au service Zoom.

Par rapport à la plateforme MI-Resolve – Une barrière importante à l’accès à la plateforme s’avère être l’obligation pour une partie de communiquer l’adresse courriel de l’autre partie avant d’ouvrir un dossier sur MI-Resolve. Bien souvent, la partie qui souhaite initier la procédure ne connaît pas l’adresse courriel de l’autre partie, ne sait pas comment l’obtenir ou est réticente à la lui demander en personne. Par ailleurs, les courriels de notification envoyés aux parties pouvaient être filtrés comme spam ou une tentative de phishing.

Par ailleurs, un mode asynchrone et des échanges exclusivement par écrit heurtent certains médiateurs qui préfèrent entretenir minimalement un contact visuel ou par audio. Quelques médiateurs et directeurs ont recommandé qu’un complément Zoom soit ajouté pour permettre aux parties de se connecter ensemble au moins une fois. À la date de publication de l’étude, cette fonctionnalité est en cours de développement. 

Tant pour le service Zoom que la plateforme MI-Resolve, la majorité des parties prenantes conviennent que les services en ligne s’avèrent des outils efficaces pour la résolution alternative des conflits. À l’avenir, environ 45% des participants sondés estiment qu’il est important de promouvoir tant les services de médiation sur Zoom que les séances de médiation en personne, et qu’il convient de laisser le choix aux parties concernés. Aucun des participants sondés ne recommande de cesser l’utilisation de Zoom. Des réserves ont cependant été émises quant à la plateforme MI-Resolve qui, de l’avis des parties prenantes, ne devrait être recommandée que pour certains conflits et pas d’autres.

Au reste, l’analyse quantitative des cas référés et réglés dans les centres CDRP – excluant ceux de la plateforme MI-Resolve dont les données sont hébergées dans un serveur distinct – ne s’avère pas concluante en ce que les différences constatées au cours des trois périodes s’expliquent par des changements dans les types de dossiers pris en charge dans les centres CDRP que l’utilisation des services Web per se. En effet, la fermeture des écoles au cours des premiers mois de la pandémie a entraîné une baisse notable des conflits scolaires référés aux centres en 2020, alors que les baisses de revenus liées aux ordres de confinement ont parallèlement mené à une hausse significative des conflits locateurs-locataires. Dans les 6 centres dont les types de dossiers pris en charge n’ont pas significativement varié avant et après la pandémie, une augmentation importante – presque le double – des cas non réglés par la médiation ou autrement depuis la pandémie s’explique le plus souvent par l’impossibilité de contacter l’une ou l’autre des parties pour poursuivre le processus de règlement en ligne.

Conclusion

L’étude jette un éclairage intéressant sur l’utilisation de deux types de services Web (Zoom et MI-Resolve) en tant que moyens alternatifs aux sessions de négociation et de médiation en personne offertes aux citoyens du Michigan. Ces services de règlement en ligne constituent non seulement de (simples) alternatives, mais, dans certaines circonstances, satisferaient davantage aux besoins des parties que des sessions de négociation ou de médiation menées en personne.

Ayant été activement impliquées dans la transition, les parties prenantes ayant participé à l’étude (directeurs des centres CDRP, médiateurs, avocats, services de référence) ont une connaissance directe de la manière dont les services sont offerts dans les différents centres CDRP tant avant que durant la pandémie. Ils ont par ailleurs l’avantage d’avoir assisté pour la plupart à plusieurs séances de négociation ou de médiation pour être en mesure d’en donner une opinion informée. On peut certes regretter l’impossibilité de rejoindre directement les citoyens ayant eu recours aux services de médiation en ligne ou en personne (en raison des préoccupations relatives à la vie privée). Cela étant, la plupart des citoyens n’ayant recours qu’occasionnellement aux services alternatifs de règlement offerts dans les centres CDRP, il leur aurait été difficile de comparer l’offre de services en personne avec les services dorénavant fournis en ligne, d’autant plus que l’option entre les deux types de services n’était pas disponible tant avant que durant la pandémie.

Comme soulignent plusieurs participants, les services en ligne de règlement alternatif des conflits sont destinés à rester. Outre l’option qu’il convient de laisser désormais aux parties de choisir entre l’offre de services (en ligne ou en personne), une combinaison habilement dosée des séances de médiation en personne avec des sessions en ligne devrait être encouragée. Avec la possibilité pour les parties de choisir entre les trois types de services alternatifs de règlement (services en personne, services en ligne, services hybrides), Il serait recommandé de poursuivre l’étude – ainsi que d’autres – à long terme pour sonder l’expérience directe des citoyens de tous horizons relatifs à l’adéquation et à l’efficacité des différentes offres de service. Une optique à long terme est visée afin que les justiciables puissent se forger une opinion informée par leur vécu plutôt que teintée par certains préjugés ou appréhension relative à l’utilisation des (nouvelles) technologies.

De la même manière que le droit d’accès à la justice n’équivaut pas, dans tous les cas, à un accès à la justice étatique, le moyen le plus optimal de régler hors cour ne coïncide plus nécessairement (faute d’alternatives) à requérir la présence physique simultanée de toutes les parties. Notre conception de la justice doit évoluer tout autant que le système de justice. À cette époque privilégiée par une extension sans précédent du champ des possibles technologiques, il est temps de proposer, d’expérimenter et de concrétiser des moyens plus flexibles et efficaces de rendre une justice adaptée aux besoins, aux moyens et aux attentes des citoyens.

Ce contenu a été mis à jour le 14 décembre 2023 à 11 h 17 min.